Synagogue Massorti Paris XVe

Don

Adhésion

jerusalem-priere-juive-liturgie-femme-judaisme-massorti-moderne

Nous avons tous une histoire à raconter

Dans la paracha Ki Tavo, il est question de bénédictions et de malédictions. L'occasion pour le rabbin Josh Weiner de s'intéresser au sens de la prière et de la liturgie dans le judaïsme.

Ki Tavo 5783 par le rabbin Josh Weiner

Merci à vous deux, Zacharie et Charlotte, pour vos lectures de la Torah d’aujourd’hui et pour vos réflexions. Vous avez chacun.e adopté une approche très différente de cette paracha. Charlotte, tu as examiné le récit qui est récité au début de la paracha et tu l’as relié à la transmission de la tradition par la narration. Comme tu l’as souligné, c’est l’argument massue du Kuzari, qui a convaincu le roi de Khazar de se convertir au judaïsme. Avant et au-delà des arguments philosophiques, une histoire puissante qui se transmet de génération en génération a une prétention plus forte que n’importe quoi d’autre.

(J’ajouterais que dans l’histoire du Kuzari, il y a un moment où le rabbin admet au roi de Khazar qu’il a tort. Le roi n’est pas impressionné d’entendre que les juifs sont humbles et pacifiques. Il dit : ce n’est que votre situation actuelle, mais si vous aviez un jour le pouvoir politique, vous pourriez être aussi violents que les autres nations. Le rabbin est obligé d’admettre que c’est vrai). 

Fonction de la liturgie

La paracha commence par la cérémonie de l’apport des prémices à Jérusalem. Il s’agit déjà d’un puissant acte de déplacement. Au lieu de profiter des produits de son dur travail, l’agriculteur a dû admettre – et ressentir – que les produits ne lui appartenaient pas complètement.

Deuxièmement, il doit prononcer une parole, mais il ne s’agit pas de mots de remerciement, comme on pourrait s’y attendre. Il doit plutôt raconter l’histoire de l’exode d’Égypte, à la première personne – mon père était un Araméen errant, les Égyptiens nous opprimaient, je suis venu sur cette terre d’Israël. C’est un autre déplacement, l’histoire personnelle de l’agriculteur se confond avec celle du peuple.

C’est l’un des plus anciens textes que nous avons que nous pourrions appeler “liturgie” – un texte prescrit à dire à une certaine occasion – et ce texte spécifique est encore bien connu malgré l’absence d’agriculteurs et de temples, parce que nous l’avons incorporé dans la Haggadah de Pessah. Peut-être que toute la liturgie a cette fonction.

Nous sommes autorisés, en théorie, à dire ce que nous voulons à Dieu et à appeler cela une prière. Mais le peuple juif a choisi, au fil des générations, de préférer un texte fixe, une liturgie fixe. Non pas parce que nous n’avons pas d’imagination créative ou nos propres désirs, mais parce que la fusion avec les mots anciens peut être plus forte que l’invention des nôtres. Si on demande à quelqu’un ce qu’il veut dire littéralement quand il dit “Kol Nidrei”, il ne sera probablement pas capable de répondre correctement. Mais la liturgie a une signification qui va au-delà du contenu.

Le mot “Amen”

Zacharie, tu as parlé de la fin de la paracha, des quelques bénédictions et des nombreuses malédictions qui ont été prononcées sur les deux montagnes silencieuses et modestes d’Eval et de Gerizim. Il y a en fait un mot ici dans les malédictions qui fait également partie de notre liturgie, bien que nous ne le remarquions pratiquement pas. Après chaque parole sur les montagnes, les douze tribus criaient Amen.

Le mot Amen est probablement le plus utilisé dans nos prières. Le Choulhan Aroukh (OH 124:7) dit que c’est le premier mot que l’on doit apprendre à un enfant lorsqu’il atteint l’âge où il peut venir à la synagogue – c’est le début du processus éducatif qui culmine avec la bar ou la bat mitsva. Mais là encore, si on demande à la plupart des adultes ce qu’ils veulent dire lorsqu’ils prononcent ce mot, ils ne le sauront pas forcément.

Les commentateurs identifient au moins trois significations du mot Amen : kabalat devarim – accepter la conséquence d’une déclaration, emet veyatsiv – être d’accord avec la vérité d’une déclaration, ou ken yehi ratson – exprimer la croyance que quelque chose va se produire. Les kabbalistes insistent beaucoup sur la nécessité d’avoir la bonne intention chaque fois que nous disons Amen. C’est un bon exercice pour faire attention à la tefila : chaque fois que vous dites Amen, décidez si vous répondez que vous vous engagez à cette chose, que vous êtes d’accord avec elle ou que vous l’espérez. 

Aujourd’hui, nous sommes à deux semaines de Roch Hachana – nous sentons déjà l’année 5784 arriver. C’est aussi, enfin, la rentrée. Beaucoup de gens ici retournent au travail ou à l’école, certains commencent l’école ou un nouveau travail pour la première fois cette semaine. Nous leur souhaitons mazal tov et bonne chance. Et pour beaucoup de personnes, ce n’est que la continuation d’une vie compliquée.

Quels que soient les défis que ces semaines apportent, nous y répondons de la même façon que nous répondons à la prière. Pour certaines choses, nous dirons Amen – je m’engage, Amen – je suis d’accord, Amen – j’espère que cela se produira. Pour d’autres défis, nous aurons besoin de raconter une histoire pleine de sens. De la même façon qu’un agriculteur de Jérusalem pouvait apporter ses fruits et dire “J’ai quitté l’oppression en Égypte”, nous devons tous avoir une histoire à raconter sur les raisons qui nous poussent à faire ce que nous faisons. La création de cette histoire est une tâche qui dure toute la vie. Marquer une bar mitsva, une bat mitsva, fait partie de cette histoire mais ce n’est que le début, pas la fin.

Bonne chance et chabbat shalom.

Partager cet article