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Ki Tavo: accueillir la loi avec humilité

Dracha prononcée par Zacharie à l'occasion de sa Bar Mitsva le 31 juillet 2023

Par Zacharie à l’occasion de sa Bar Mitsva

Au mont Sinaï, le peuple d’Israël a conclu une première alliance avec Dieu dans laquelle il a accepté la Torah et les commandements. Pour cette raison, les tablettes sur lesquelles sont écrits les Dix Commandements sont également appelées « Tables de l’Alliance ».

Dans le traité Makot du Talmud, les Sages comprennent que seuls les deux premiers commandements furent donnés aux Israélites directement par la bouche de Dieu, puis Moïse monta sur la montagne, reçut les commandements supplémentaires et les transmis au peuple par sa bouche.

Quarante ans plus tard, une autre alliance, moins bien connue, fut conclue entre le peuple d’Israël et Dieu. Cette alliance se déroula  sur 2 montagnes : les monts Guerizim et Eval. Elle est annoncée dans la Paracha Ki Tavo, que nous lisons cette semaine, pour le jour où nous traverserons le Jourdain.

Voilà comment cela s’est passé: le peuple d’Israël a été divisé en deux parties, chacune sur un mont différent : 6 tribus sur le mont Guerizim, et les 6 autres sur le mont Eval. Les prêtres et les Lévites se tenaient dans le ravin entre ces montagnes. Ceux-ci prononcèrent des paroles de bénédiction, en se tournant d’abord vers le mont Guerizim puis des malédictions en se tournant  vers le mont Eval. Ils bénirent ceux qui observeraient les commandements de la Torah en disant: « Bienheureux l’homme qui ne fait ni statue ni masque ». Puis ils maudirent ceux qui ne respecteraient pas les commandements de la Torah, en disant « Maudit soit l’homme qui fabrique une statue et un masque ». L’ensemble de la nation répondit Amen, et accepta ainsi les termes du traité, comme il est dit « ceux-ci et ceux-là répondirent Amen ».

Après cette bénédiction et cette malédiction, nous apprenons que les Lévites ont apporté des pierres, ont construit un autel, l’ont enduit de chaux et ont écrit dessus toutes les paroles de la Torah. Rachi souligne même que ces paroles ont été transcrites en 70 langues, puisqu’il est dit que ces paroles ont été « explicitées correctement ».

Ces deux alliances, ainsi que ces lieux, ont plusieurs points communs : l’événement du Sinaï est consécutif à la traversée de la Mer Rouge, et l’épisode de l’Eval suit la traversée du Jourdain ; de plus, nous recevons des tablettes gravées par Dieu au Sinaï et nous écrivons sur des tablettes à l’Eval. Et nous y écrivons au moins une partie de la loi que Moïse a écrite au Sinaï.

De plus, au cours de ces deux épisodes, nous sommes contraints d’adopter la loi (comme un 49.3 divin !) : Au Sinaï, l’orage tonne, et Dieu « renverse » la montagne au-dessus de nous, et menace de nous y enfouir si nous ne l’acceptons pas,  cette loi ; au mont Eval, les malédictions des Lévites nous contraignent, une fois de plus, à adopter la loi.

Un autre point commun m’a frappé : ces monts, ces lieux d’alliance, sont nommés mais ils ne sont pas situés. Même s’il s’agit d’épisodes très importants. Dans la Torah, il n’y a aucune identification claire de l’emplacement du mont Sinaï, ni de son autre nom, le mont Horeb, même si on apprend dans l’Exode qu’il se situe dans le désert entre Israël et l’Égypte. Le même doute existe pour la localisation des monts Guerizim et Eval, discuté dans le Talmud de Jérusalem (traité Sota chapitre 7) :

  • Pour Rabbi Yehouda,  le peuple juif atteint les monts Guerizim et Eval le jour où il traverse le jourdain.
  • Pour Rabbi Eleazar, le peuple d’Israël a érigé 2 monticules, ce même jour, à proximité de Guilgal, et ils les ont baptisés mont Guerizim et mont Eval
  • Enfin, Rabbi Ismaël, explique que l’évènement a été célébré plus tard, après la conquête de la Terre d’Israël. 

Ces 3 monts, Sinaï, Eval, et Guerizim ont encore un point commun : ce ne sont pas d’immenses montagnes, mais d’humbles monts. J’apprécie l’idée du midrash selon laquelle, le Sinaï a été choisi pour la révélation justement en raison de son humilité.

Je me permets de prolonger l’idée du midrash à propos du mont Eval de Rabbi Eleazar pour lequel, le peuple d’Israel a érigé deux monticules plutôt modestes. Ainsi, ces montagnes ont été choisies du fait de leur petite taille. D’ailleurs cela fait écho à la Haftarah de Ki-Tavo, que nous lirons ce samedi : la prophétie d’Isaïe nous rappelle que « Hakatone yihé la-élef, vé-hatsaïr legoy hatsoum – le plus petit deviendra une tribu et le plus chétif une nation puissante » (Isaïe 60). 

C’est aussi parce qu’elles se sont tues, que ces montagnes ont été choisies. Se taire ne signifie pas une absence d’avis, mais une maturation d’idées et un dialogue intérieur.

D’ailleurs, je me suis rendu compte, au cours de nos discussions avec Ezriel, mon tuteur, que le silence et l’humilité sont aussi nécessaires à l’étude de la Torah : effectivement, elle ne présente pas d’avis très arrêté, contrairement à ce que je pensais, mais c’est une sorte de morale, de sens commun. Et cela nécessite suffisamment de silence et d’humilité pour entendre les différentes paroles qui résonnent et qui raisonnent autour de moi.

Enfin, dernier point commun de ces monts : ils ne sont pas sanctifiés. Seuls les samaritains attribuent un caractère sacré à ces lieux. La veille de la Pessah, ils montent au mont Guerizim pour offrir le sacrifice pascal sur un autel prévu à cet effet et le mangent. Selon la croyance samaritaine, le temple du mont Guerizim est « le lieu que Dieu choisira », comme mentionné dans la Torah, et non le mont du Temple à Jérusalem. Alors que pour les Sages, ces monts ne représentent que des lieux difficilement identifiables directement par le texte. 

Ainsi, je comprends que selon la vision des Sages les lieux sur lesquels nous avons reçu la révélation et la loi ne sont pas célébrés, même si nous y avons contractés une alliance. Ces monts sont humbles, mais de grandes choses s’y passent. Ils sont silencieux, mais permettent d’accueillir la Loi.

Ainsi, en devenant Bar-Mitsva, à mon tour, j’espère être capable, à l’image du mont Sinaï, d’accueillir la Loi avec humilité, c’est-à-dire dans un silence religieux, comme le silence avec lequel vous écoutez ma dracha. À l’image de ces deux montagnes, mon grand-père maternel comme mon grand-père paternel sont “silencieux” en ce jour de ma bar-mitsva mais bien présents dans mon esprit et je pense à eux.

Retrouvez ici la dracha du rabbin Josh Weiner sur la paracha Ki Tavo 5873

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