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Pour que chaque jour compte

Quel est le sens de la mitsva du comptage de l'Omer? Le rabbin Josh Weiner nous invite à réfléchir sur notre rapport au temps.

La paracha Emor 5783 par le rabbin Josh Weiner

Merci Manes, et je reviendrai sur certaines de ces idées dans quelques minutes.

La fin de cette paracha, avec sa liste de fêtes, est assez connue – mais plus on l’examine avec attention, plus cette liste est mystérieuse.

Une liste qui prête à confusion

La liste commence par chabbat, puis recommence avec Pessah – alors, chabbat fait-il partie de la liste ou non ? Entre la fête que nous appelons Chavouot et celle que nous appelons Roch Hachana, qui ni l’une ni l’autre ne sont nommées, nous trouvons un commandement consistant à laisser les coins des champs aux pauvres – pourquoi cet acte de charité trouve-t-il sa place dans la liste des fêtes ?

Certains chiffres sont vagues, là où nous attendrions de la précision. On nous parle de Yom Kippour le 9e jour du mois dans un verset et le 10e dans un autre. On nous dit de compter sept semaines après Pessah, et dans le verset suivant, on nous dit de compter 50 jours.

Il y a des réponses à tout cela, bien sûr – trouver des problèmes et suggérer des réponses est un sport juif par excellence – mais je tiens à souligner que le sentiment qui se dégage de ce texte est la confusion et le mystère, et peut-être une invitation à essayer d’en savoir plus. 

Comptage de l’Omer

Penchons-nous sur l’une des célèbres questions halakhiques concernant le décompte de l’Omer. Il y a un vieux débat sur la nature de ce comptage. Une opinion, que l’on trouve dans un ouvrage babylonien appelé Halakhot Gedolot, dit qu’il y a un seul grand commandement pour compter les jours entre Pessah et Chavouot, et que ce commandement est composé de quarante-neuf éléments.

L’autre opinion, défendue par les rabbins français du moyen-âge, est qu’il y a quarante-neuf mitsvot individuelles – chaque nuit doit être comptée. Dans la pratique, ce débat prend de l’importance dans le cas où quelqu’un oublie de compter une nuit. Selon l’opinion des Halakhot Gedolot, il est désormais impossible d’accomplir le commandement. Selon l’autre opinion, cela n’a pas d’importance, car chaque nuit est un acte indépendant.

Le compromis donné dans le Choulhan Aroukh est que quelqu’un qui a manqué une partie du comptage doit continuer malgré tout, mais afin de respecter l’opinion des Halakhot Gedolot, nous disons que le comptage doit continuer sans bénédiction, juste au cas où. Une autre question est soulevée concernant la différence pratique entre ces deux opinions.

Que se passe-t-il si quelqu’un devient bar ou bat mitsva pendant la période de comptage de l’Omer ? Quand il était enfant, il n’était pas obligé d’accomplir ce commandement. Maintenant, au milieu de l’Omer, peut-il commencer le comptage à partir du milieu ? Encore une fois, les Halakhot Gedolot diraient sûrement non, et les autres diraient oui – chaque jour du comptage est un commandement distinct. 

Pourquoi est-il important que Manes, par exemple, puisse compter l’Omer aujourd’hui ? Je voudrais examiner brièvement pourquoi compter chaque jour est une mitsva distincte – pourquoi dire “Aujourd’hui, c’est le trentième jour de l’Omer” a une valeur indépendante, pas seulement comme moyen d’arriver au cinquantième jour et de fêter Chavouot, mais pour lui-même. Vous remarquerez que nous ne comptons pas à rebours, ce qui est une façon d’effacer le temps jusqu’à atteindre une certaine cible, mais nous comptons par ajouts, en ressentant le temps qui passe.

J’ai déjà dit ici que le mot le plus important dans cette façon de compter est Hayom, Aujourd’hui. Si nous disons simplement “trente jours” – ce n’est pas un accomplissement de la mitsva, mais nous devons dire “aujourd’hui est le trentième jour” – en mettant l’accent sur l’expérience d’aujourd’hui. Nous comptons ces sept semaines, et comme, avec la destruction du Temple, les sacrifices au début et à la fin de l’Omer ne sont plus pertinents, tout ce qui reste, c’est le fait de compter lui-même. Nous sanctifions le fait de compter pour le plaisir de compter.

L’être et le temps

Manes a bien décrit la série de fêtes de la paracha, appelées moadim, comme des rendez-vous avec le temps lui-même. J’ajouterais, en réfléchissant à la relation explorée par Heidegger entre l’être et le temps, qu’une rencontre avec le temps est une rencontre avec notre sens de l’existence dans ce monde. En théorie, le fait que j’existe est la chose la plus évidente que l’on puisse imaginer. Mais parfois, nous sommes tellement distraits par de petits détails que nous oublions de sentir que nous existons – et nous avons donc besoin de rappels. Et une grande partie de la pratique juive peut être comprise comme une série de rappels des choses les plus élémentaires. Nous récitons des bénédictions avant de manger et de boire, non pas pour penser à Dieu et ignorer notre corps, mais pour remarquer notre corps ainsi que l’expérience de manger et de boire. 

Je suis sûr que si je précédais chacune de mes actions, chacune de mes conversations, par la déclaration suivante : “Je me tiens devant Dieu maintenant – quelle est la chose la plus appropriée à faire dans cette situation ?” – si je réfléchissais à cette question, je serais quelqu’un de meilleur. Mais de nombreuses mitsvot essaient de transmettre exactement cette déclaration et de poser exactement cette question – la mezouza sur la porte, le tallit que nous portons, le kiddouch, les prières. Il ne s’agit pas seulement d’identité juive mais de quelque chose de beaucoup plus profond – comment être un être humain dans ce monde. Nous oublions parfois à quel point il est incroyable et important que nous existions, et nous devons nous rappeler de nous le rappeler. 

C’est l’une des fonctions des fêtes dans cette paracha. Non seulement le décompte de l’Omer, mais chacune des fêtes, y compris chabbat, est appelée “mikraei kodech “, un appel sacré. Ce livre s’appelle Vayikra, il a appelé, et toute la Torah est surnommée Mikra, un appel. Tout cela nous crie de nous réveiller. Nous devons parfois faire des choses bizarres comme secouer un loulav ou jeûner pendant une nuit et un jour ou allumer deux bougies, mais si nous écoutons vraiment ces rappels, nous pouvons avoir un sentiment de sainteté même sans eux. Si nous respectons chabbat, par exemple, nous pouvons sentir que ce jour est important et sacré. Mais à un niveau plus profond, il s’agit de réaliser que le dimanche, le lundi et le mardi sont également importants et sacrés. Nous le savons, mais nous l’oublions parfois. 

C’est la tâche difficile qui t’attend maintenant, Manes, en devenant adulte. Tu comptes parmi le peuple juif, tu peux compter avec le peuple juif. La difficulté est de compter les jours de manière à ce que chaque jour compte. Contrairement à ce que te diront tes parents et tes profs, il ne te reste pas tant de choses à apprendre comme adulte. La difficulté est de se souvenir de ce que l’on sait déjà. Mais les rythmes du temps juif, les appels à remarquer et à créer de la sainteté dans ce monde, et les surprises de ce monde peuvent t’aider dans cette tâche.

Chabbat shalom.

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