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La force des dix commandements

A l'occasion de la paracha Yitro 5783, le rabbin Josh Weiner s'intéresse aux dix commandements, et se penche tout particulièrement sur les énigmatiques "Je suis l'Eternel ton Dieu" puis "Honore ton père et mère"

La paracha Yitro 5783 par le rabbin Josh Weiner

Merci Ilan pour cette dracha très profonde. Une des particularités du judaïsme Massorti est de prendre en compte les résultats de la recherche scientifique dans notre vision du monde. Ce n’est normalement pas aussi explicite de comprendre les dix commandements à travers la perspective de la fission et de la fusion nucléaires, mais “hazak”, tu as réussi à intégrer les deux admirablement!

L’importance des 10 commandements

Je reviendrai dans un instant sur tes explications, mais je veux d’abord prendre du recul et regarder les dix commandements en posant une question fondamentale : pourquoi sont-ils importants ? 

Sont-ils en effet importants ? Nous y accordons certainement une grande importance aujourd’hui, en nous levant pour les entendre lire, mais si c’est le cas, pourquoi ne les lisons-nous pas tous les jours ?

Il semble, selon la Michna, que les dix commandements étaient lus au Temple tous les matins, dans la liturgie la plus ancienne dont nous ayons des traces. Cependant, à l’époque du Talmud (Berakhot 12a), nous savons qu’ils n’étaient plus lus dans les synagogues dans le cadre de la prière quotidienne, en raison des “tiromet haminim”, les accusations des hérétiques.

Certaines personnes prétendaient que seuls les dix commandements étaient légitimes, et non les autres, et afin de contrer cette affirmation et de montrer que l’ensemble de la Torah était obligatoire, il fut interdit de réciter les dix commandements à la synagogue. [Mais d’une certaine manière, son absence reste présente. Nous avons de nombreux exemples d’une telle absence présente. Ne pas prononcer le nom de Dieu préserve son pouvoir, ou ne pas toucher le rouleau de la Torah avec nos mains montre qu’il est à part. Les crypto-juifs d’Espagne et du Portugal avaient pour habitude de ne pas balayer la poussière de leur porte d’entrée par respect pour la mezouza, même si la mezouza n’était plus là, afin de respecter le caractère sacré de l’idée de la mezouza. De la même manière, ne pas réciter quotidiennement les dix commandements montre qu’ils peuvent être compris comme essentiels].

Je suis l’Eternel ton Dieu

Je dis dix commandements parce que c’est ainsi qu’on les traduit habituellement en français. Si vous comptez en fait les verbes à l’impératif, il y a quinze ou seize commandements dans ce texte. Le plus mystérieux, cependant, est le premier : Anokhi, je suis l’Éternel ton Dieu qui t’a fait sortir d’Égypte, de la maison d’esclavage.

Il y a un grand débat parmi les rabbins sur le sens de cette phrase. Maïmonide la considère comme l’un des 613 commandements, le commandement de croire en Dieu. Il est attaqué par d’autres philosophes, le rabbin Hasdai Crescas et plus tard Don Abarbanel. Crescas pense que la croyance en Dieu n’est pas un choix, et ne peut donc pas être commandée. Abarbanel, pour des raisons littéraires, le rejette comme un commandement, il le voit comme une introduction narrative au reste des commandements. 

Honore ton père et ta mère

Ces jours-ci, lorsque je ne lis pas de commentaires sur la Torah, je lis divers guides sur la parentalité, afin d’encourager mes enfants à respecter un jour le commandement d’honorer leurs parents. En ce moment, je lis le livre d’un psychologue israélien, Haïm Omer, qui a développé l’idée de “la nouvelle autorité” et de “la résistance non violente”. L’une des idées intéressantes de cette nouvelle autorité est l’insistance sur la présence et le devoir indiscutables du parent. Le parent ne formule pas ses exigences en disant “Tu feras ceci parce que je l’ai dit”, mais plutôt : “Je ferai ceci parce que je l’ai dit” – Je suis ton père, j’ai le devoir de m’occuper de toi, je resterai ton père que tu l’acceptes ou non. Cette insistance sur la présence des parents est la base de toute exigence quant au comportement de leurs enfants.

Beaucoup de personnes ici présentes aujourd’hui ont plus d’expérience que moi en matière d’éducation des enfants, peut-être pourrez-vous me dire plus tard dans quelle mesure de telles déclarations fonctionnent, mais en tout cas cela m’a donné un nouvel éclairage pour comprendre la déclaration d’Anokhi. Dieu dit ici la même chose au peuple d’Israël : Je suis ton Dieu, j’ai un devoir envers toi, je me soucie de toi – que tu croies en moi ou non. Cet établissement de la présence est la base de l’autorité pour donner les commandements qui suivent. 

Ilan, tu as choisi de parler de deux sujets aussi difficiles l’un que l’autre, honorer ses parents et la physique nucléaire. Le Talmud parle de Rabbi Yohanan qui fait une déclaration choquante, remerciant Dieu d’être orphelin. Il veut dire qu’il ne connait pas le dilemme impossible d’honorer parfaitement ses parents.

Être un enfant est aussi difficile qu’être un parent, mais il y a moins de guides écrits à ce sujet. Nous sommes tenus ensemble, parents et enfants, dans ce que l’on appelle une famille nucléaire. Je ne prétends pas être un expert en physique, mais je me souviens que mon professeur de physique à l’école rassemblait un groupe d’étudiants et nous expliquait que ce qu’il avait dit en classe n’était pas toute la vérité sur le fonctionnement du monde. Que même s’il disait qu’habituellement les particules chargées négativement et positivement s’attirent, tandis que les particules de même charge se repoussent, à l’intérieur d’un atome, ce n’est pas toute la vérité. Le noyau de l’atome est composé de protons, plusieurs particules chargées positivement qui devraient se repousser et cesser d’exister en tant que groupe.

Mais dans les années 1970, on a découvert une autre force qui existe à l’intérieur du noyau, appelée ” la force forte”, qui est environ cent fois plus forte que la force de répulsion et qui les maintient ensemble. Cette force forte est la source de l’énergie qui alimente la fusion nucléaire et la fission nucléaire dont tu as parlé. De la même manière qu’Anokhi est l’autorité fondamentale qui donne du pouvoir à tous les commandements, et que l’amour au sein de la famille est capable de surmonter l’impossibilité apparente d’honorer vraiment les parents ou d’élever correctement les enfants, cette force forte est ce qui maintient l’univers ensemble. 

Je te souhaite, Ilan, et à tout le monde ici, la force de tenir ensemble toutes les tâches impossibles que nous avons en tant qu’adultes juifs dans ce monde compliqué.

Chabbat shalom. 

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