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Etre vraiment vivant

Qu'y a t il derrière le passage de la Amida évoquant la résurection des morts? Le rabbin Josh Weiner répond à cette question en s'inspirant de la paracha Vayigach

La paracha Vayigach par le rabbin Josh Weiner

Cycles et renouveau

C’est le dernier chabbat de 2022, et je pense que vous connaissez mon opinion selon laquelle le nouvel an civil a également une signification juive. Mon argument est simple : tout système de temps que nous utilisons est artificiel, c’est une fiction que nous imposons à la réalité, mais aussi une opportunité de voir la réalité comme quelque chose d’important.

Quatre nouvelles années sont décrites dans la Michna : une nouvelle année en Nissan pour compter les rois ; une nouvelle année en Tichri pour compter les cycles agricoles ; une nouvelle année en Eloul pour calculer les impôts de ceux qui possèdent des animaux ; et une nouvelle année en Chvat pour compter l’âge des fruits, tou bichvat.

La plupart de ces événements sont très techniques, ils déterminent la fiscalité et les documents juridiques, et cependant nous avons tendance à en faire des fêtes sacrées. Il en va de même avec le premier janvier. Nous disons dans nos prières du matin que la création du monde se produit chaque jour, mais si nous avons un début de cycle calendaire, une nouvelle année, nous *remarquons* cette création et cette recréation du monde, nous avons l’opportunité de réfléchir à l’année précédente et de prendre des décisions pour celle qui arrive. 

Bas les masques

Mais bien sûr, c’est aussi chabbat, et nous avons notre propre paracha à étudier. La paracha Vayigach, est une paracha de démasquage. Tous les mensonges et les ruses qui ont été utilisés par Joseph et ses frères au cours des dernières parachot sont maintenant exposés, et la véritable identité de chacun est révélée. Cette révélation est toujours accompagnée de fortes émotions. Joseph pleure, ses frères sont bouleversés et ne peuvent pas parler. Jacob éprouve deux élans d’émotions lorsqu’il apprend par ses fils que Joseph est toujours en vie. D’abord, son cœur s’arrête – ויפג לבו – il faiblit, et il ne croit pas ses fils. Mais par la suite, lorsque les fils continuent à parler et racontent qu’il dirige l’Égypte, quelque chose d’incroyable arrive à Jacob. Je cite : וַתְּחִ֕י ר֖וּחַ יַעֲקֹ֥ב אֲבִיהֶֽם, “l’esprit de Jacob leur père devint vivant“.

Les commentateurs proposent de nombreuses explications pour cette phrase : pour certains, la faculté de prophétie lui revient à ce moment-là, tandis que pour d’autres, il retrouve la joie. J’ajouterais que l’absence de sens qu’il attribuait à la mort de Joseph est soudainement résolue, et qu’il est capable de s’élever de sa dépression existentielle pour une vie pleine de sens renouvelé. Jusqu’alors, il était vivant au sens technique du terme, il n’était pas mort, mais il semble y avoir un sentiment d'”être vivant” qui implique plus que cela. 

Toi qui ramènes les morts à la vie

Ce sentiment de retour à la vie donne une nouvelle perspective à l’un des morceaux de liturgie les plus inconfortables pour les Juifs modernes d’aujourd’hui. La deuxième bénédiction de la prière de la amida appelle Dieu “mehayé hametim”, celui qui fait revivre les morts. L’idée d’une réanimation physique réelle des morts est mentionnée dans le livre de Daniel et dans la littérature rabbinique qui suit. C’est probablement en raison d’une autre religion qui met l’accent sur une telle résurrection que les Juifs modernes s’en tiennent éloignés. Mais si nous examinons réellement la bénédiction elle-même, nous constatons qu’elle est beaucoup plus complexe. Vous pouvez ouvrir vos siddurim et lire… Vous verrez qu’en fait, de nombreuses actions sont évoquées ici : soutenir les déchus, guérir les malades, faire tomber la pluie, libérer les prisonniers. Une façon de comprendre pourquoi elles sont regroupées ici est qu’elles sont toutes des formes de tehiyat hametim, la résurrection des morts. Une personne très malade ou une personne emprisonnée n’est pas pleinement vivante, et quitter cet état est en quelque sorte sa résurrection. 

Pour rendre ce terme encore plus compliqué, et plus intéressant, je veux citer deux halachot qui sont tombées en désuétude. La première est une opinion du Talmud de Jérusalem, selon laquelle la première chose que l’on doit dire au réveil est cette bénédiction : Baroukh… mehayé hametim, béni soit celui qui ressuscite les morts. Être endormi est aussi un goût de la mort, ou de ne pas être pleinement vivant, et l’expérience du réveil est si extraordinaire qu’elle mérite de faire une bénédiction, et cette expérience est décrite comme un réveil des morts.

Et il y a un autre moment où cette bénédiction est dite. Le Talmud et le Choulhan Aroukh stipulent que si vous rencontrez un ami que vous n’avez pas vu ou dont vous n’avez pas entendu parler depuis douze mois, vous devez réciter cette bénédiction, Baroukh… mehayé hametim. Quelqu’un qui a été oublié n’est pas non plus pleinement vivant dans notre expérience, et cette rencontre est un réveil personnel du mort. 

Tous ces exemples sont différents de la compréhension classique de ce que signifie le réveil des morts. Ils ne sont pas surnaturels, mais même des actes naturels peuvent être miraculeux, si nous prenons le temps de les percevoir comme tels : se réveiller, sortir de prison, se remettre d’une maladie.

Il y a un autre aspect intéressant. Qui est responsable de la guérison des malades ? C’est une grande question, bien sûr, mais il y a certainement une implication humaine dans tout cela : les médecins essaient de guérir, les gens prennent des médicaments – et pourtant nous louons Dieu pour cette version de la renaissance. Maïmonide, selon certains chercheurs du moins, a compris que la prière de la Amida est un texte pédagogique nous enseignant comment agir dans la vie, et comment imiter Dieu. Il semble que nous soyons également appelés à faire revivre les morts sous quelque forme que ce soit : libérer les prisonniers, soutenir les déchus, retrouver les amis perdus. 

Cela nous ramène à Jacob dans la paracha. Jacob avait attendu vingt-deux ans en pensant que son fils était mort, perdant sa joie de vivre et son pouvoir de prophétie. Les frères de Joseph étaient responsables, par leurs actions et par leurs mensonges, d’avoir amené leur père à cet état. Mais ils avaient aussi le pouvoir de le ramener à la vie, et ils ont fini par le faire. Comme pour tant d’autres miracles, nous sommes partenaires de Dieu pour rendre la vie des gens vraiment vivante. La Amida et l’histoire de Jacob nous rappellent ce pouvoir.

Chabbat shalom

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