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L’obligation de voter?

Réflexions à propos des prochaines élections du Congrès Sioniste

Par le rabbin Josh Weiner

Avant de vous faire part de mes réflexions sur les prochaines élections du Congrès sioniste, permettez-moi d’explorer l’idée des élections en général et, en particulier, la motivation ou l’obligation de voter. Il est évident que plus le groupe est grand, moins un vote individuel a de poids. Au niveau national, il est si minuscule qu’il en est presque insignifiant, et il y a une vraie tentation d’ignorer le vote et de passer son précieux temps à s’occuper autrement. Cela ne concerne pas seulement le vote dans les processus démocratiques, c’est le cas dans tout ce qui est affecté par l’effet cumulé des actions de nombreux individus: le changement climatique, le recyclage, le consumérisme éthique, les manifestations, l’honnêteté dans les affaires, les niveaux de bruit dans un espace public. Je sais ce qu’il faut faire, mais je suis aussi conscient que le résultat final ne dépend pas véritablement de moi.

Il existe de nombreuses discussions sur les racines de la démocratie dans les sources juives, et je les examinerai peut-être une autre fois. Mais j’ai un jour entendu citer un texte de justification surprenant, et c’est celui sur lequel je me concentrerai ici [malheureusement, je ne me souviens pas de qui me l’a enseigné].

La prière juive fondamentale est la Amida, qui est souvent récitée deux fois : une fois personnellement en silence, et une autre fois, pour inclure la communauté et guider ceux qui ne peuvent y parvenir seuls. Cependant, si le dirigeant de la prière se contente de répéter les mots et que personne n’écoute, il transgresse l’interdiction de mentionner le nom de Dieu en vain. Pour que la répétition soit pertinente, il est nécessaire qu’il y ait au moins dix personnes qui répondent Amen (« Oui-je-suis-d’accord ») à chaque bénédiction. Voici la loi telle qu’elle est écrite dans le Choulhan Aroukh :

כשש”צ חוזר התפלה הקהל יש להם לשתוק ולכוין לברכות שמברך החזן ולענות אמן ואם אין ט’ מכוונים לברכותיו קרוב להיות ברכותיו לבטלה לכן כל אדם יעשה עצמו כאלו אין ט’ זולתו ויכוין לברכת החזן

Lorsque l’officiant (le Hazan) répète la prière, la communauté doit rester silencieuse, se concentrer sur les bénédictions qu’il prononce, et répondre « Amen ». Si neuf personnes, en plus de l’officiant, n’écoutent pas attentivement et ne se concentrent pas sur les bénédictions, celles-ci risquent d’être considérées comme dites en vain. C’est pourquoi chacun doit se comporter comme s’il n’y avait pas neuf autres personnes pour écouter — comme si tout dépendait de lui — et se concentrer pleinement sur les bénédictions du Hazan.. [Orah Hayim 124:4]

L’idée est évidente, je n’ai pas besoin de l’expliciter. Le Choulhan Aroukh exige une certaine naïveté de la part de chacun d’entre nous, car les conséquences d’un cynisme dégradent la communauté. Chaque personne doit se considérer comme cruciale pour que le processus fonctionne. C’est la même idée inhérente à la notion juive de téchouva (cf. Maïmonide sur la Téchouva 3:4), à savoir que chaque personne doit imaginer que le monde est à l’équilibre parfait entre les péchés et les bonnes actions, et donc que ses propres actions ont la capacité de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

Tout cela pour dire que lors des prochaines élections de l’Organisation sioniste mondiale, je suis convaincu que chacun d’entre nous doit s’inscrire et voter. Je n’ai pas l’habitude de dire aux gens quoi faire – et je ne commencerai pas ici, mais permettez-moi de vous expliquer ce qui est en jeu.

D’un point de vue pratique, le Congrès sioniste décide de la distribution de grandes quantités de fonds à l’intérieur d’Israël et dans le monde entier. Les écoles, synagogues, mouvements de jeunesse et événements du mouvement Massorti dépendent de ces fonds. Un petit exemple personnel : en tant qu’élève rabbin, j’ai dirigé à deux reprises des offices de Yom Kippour dans de petites communautés en Europe qui n’avaient pas les moyens de salarier un rabbin, et mes frais de voyage ont été indirectement pris en charge par ces fonds de l’OSM. Beaucoup de nos budgets éducatifs en France sont liés à ces fonds. Perdre notre voix dans ces décisions budgétaires serait catastrophique pour les projets qui nous tiennent à cœur.

Sur le plan symbolique, plus que jamais, nous avons besoin d’une voix dans les discussions sur le sionisme pratique. Le mot lui-même est devenu une insulte lancée aux Juifs du monde entier. Et lorsque le « sionisme » est accusé d’être raciste, violent, colonialiste, criminel et ainsi de suite, force est de constater qu’il existe aujourd’hui des voix qui promeuvent une version du sionisme qui correspond en partie à ces accusations. Mais il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. De nombreuses questions relatives à la liberté religieuse et à la diversité en Israël, aux droits des femmes, aux droits des minorités, aux priorités environnementales et à l’investissement dans l’éducation sont décidées par cet organe. Que l’argent soit dépensé pour reconstruire les communautés détruites le 7 octobre ou pour des colonies et des yeshivot controversées. Si quelqu’un veut qu’une version différente du sionisme soit dominante, une version dont nous pouvons être fiers, eh bien — cela n’arrivera pas que si vous, oui vous, décidez de voter !

Tous les Juifs de France et tous ceux qui sont éligibles à l’aliya (c’est-à-dire qui ont un grand-parent juif) ont le droit de voter à ces élections. Je sais que cela ressemble un peu à ce mythe antisémite d’une société juive occulte qui contrôle tout dans le monde — en pratique, malheureusement, c’est beaucoup plus banal et nous avons déjà du mal à nous contrôler nous-mêmes. Et il y a des choses bien plus importantes dans le monde que ces élections ridicules. Mais nous devons réussir ici aussi.

Comment faire en pratique ? En France, il y a une démarche d’inscription à effectuer avant le 5 juin. [Cliquez ici…] Cela vous prendra cinq minutes et vous coûtera cinq euros. N’attendez pas le bon moment, faites-le tout de suite !

En cas de problème, d’hésitation ou de question, écrivez dès maintenant à Elias Garzon, (06 58 69 49 00). Il faudra télécharger une copie de sa pièce d’identité pour vérifier qu’il s’agit bien de vous. (D’autres partis inscrivent apparemment des personnes décédées ou inexistantes). Vos informations personnelles seront ensuite supprimées – soyez rassurés

(J’ai attendu jusqu’à maintenant pour écrire cette lettre parce qu’il y a eu une accusation de tactiques sournoises de la part de Merkaz, le parti qui nous représente dans ces élections. J’ai parlé récemment en personne à deux des directeurs du mouvement pour obtenir des explications et des assurances sur l’avenir. Même si rien n’était illégal et que « tout le monde le fait », cela ne nous autorise en rien à compromettre notre intégrité.)

Je suis maintenant convaincu que Merkaz peut porter ma voix dans ces élections plus que quiconque, et que la participation est cruciale. Par vous aussi. Maintenant.

(Et surtout, n’oubliez pas de dire “Amen” à la synagogue, votre voix y est cruciale aussi).

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