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Fin de Pessah, naissance et commencement

Au dernier jour de Pessah, interrogeons nous sur le sens caché de cette fête et la métaphore de l'accouchement et la naissance qui l'accompagne.

Chevii Chel Pessah 5783 par le rabbin Josh Weiner

Que célébrons-nous aujourd’hui ?

C’est logique de célébrer la fin de quelque chose d’important ainsi que son début, mais d’une certaine manière, le point culminant de Pessah n’est pas célébré maintenant, mais 49 jours après le début, à Chavouot.

Néanmoins, nous avons cette fête, avec toutes les restrictions et les exigences de bonheur que nous connaissons pour d’autres fêtes, mais sans aucune raison claire expliquant pourquoi elle devrait être considérée comme un moment sacré. C’est peut-être cette absence de signification qui est à l’origine du midrach selon lequel cette fête marque la traversée de la mer par les Israélites.

La logique derrière cela est simple, même si elle n’est pas forcément convaincante. Moïse avait initialement demandé à Pharaon une pause de trois jours dans leur esclavage afin de célébrer une fête pour Dieu dans le désert (la raison pour laquelle il a présenté ce mensonge est une discussion pour une autre fois.) Or, après la dixième plaie et après que Pharaon les a libérés, il n’est pas clair s’il leur permet d’être complètement libres pour toujours, ou seulement pour trois jours, comme dans la demande initiale.

Selon le midrach du Seder Olam Rabba, trois jours après leur départ, donc le troisième jour de Pessah, Pharaon attend leur retour. Le quatrième jour, il s’aperçoit qu’ils ne reviennent pas et rassemble son armée pour les poursuivre. À ce moment-là, les Israélites se trouvent déjà depuis trois jours dans le désert, près de la mer. Ce n’est donc que trois jours plus tard, le septième jour de Pessah, que Pharaon et son armée les rejoignent, et c’est à ce moment-là que se déroule l’histoire de la traversée de la mer. 

“Découvrir” la matsa

Il me semble que quelque chose d’autre se passe ici le septième jour, peut-être en plus de la traversée de la mer. Mais avant d’aborder ce sujet, je voudrais mettre en exergue l’un des plus beaux textes poétiques de la haggada, à mon avis, que nous ne remarquons pas toujours. Il s’agit d’une instruction qui est répétée plusieurs fois tout au long de la section maggid : megalim et hamatsot, on découvre la matsa.

Il y a un sens technique dans lequel nous couvrons et découvrons les matsot pour diverses raisons tout au long de la lecture, mais il y a un autre sens à ce mot, à la fois en hébreu et en français, de découvrir quelque chose de nouveau. Nous avons sûrement parlé de matsa et de hamets pendant des semaines avant le soir du seder, mais quelque chose dans l’expérience de ce soir-là est comme si nous découvrions la matsa pour la première fois. Nous disons aussi quelque chose de remarquable lorsque nous expliquons Pessah, Matsa et Maror.

Pourquoi mangeons-nous des matsot ? Nous connaissons tous l’histoire selon laquelle nous n’avons pas eu le temps de laisser lever la pâte avant de quitter en toute hâte l’Égypte, mais lorsque nous expliquons cette histoire lors du seder, nous disons plutôt : “Nos ancêtres n’ont pas eu le temps de laisser lever leur pâte avant que le Roi des rois n’apparaisse devant eux et ne les rachète !” Le même mot, nigla… ils ont soudainement découvert Dieu en préparant leur matsa. Il y a un sentiment d’étonnement, de découverte et de naïveté autour de cette fête, chaque année.

Chaque année aussi, on me pose des questions similaires sur ce qui est autorisé et ce qu’il faut faire, et je ne me souviens jamais, je dois toujours réapprendre le contenu, qui semble être infini. Avec toute la nostalgie et les traditions, avec tous les préparatifs, le nettoyage, les achats et l’étude, je me sens toujours aussi mal préparé, comme si c’était mon premier Pessah.

La métaphore de la naissance

Pessah est la première fête, le début, mais aussi une fête des débuts. Nous remarquons les premiers-nés d’Égypte à cause de la plaie qui les a frappés, mais il y a un autre premier-né dans l’histoire : les Israélites eux-mêmes – c’est ce que Dieu dit à Pharaon, beni behori Yisrael, Israël est mon premier-né. En fait, une façon de traduire le nom de l’Égypte, Mitsraïm, est de parler de “contractions”. De ces contractions naît quelque chose de nouveau. Comme pour la naissance de chaque enfant, [Elkana et d’autres ici peuvent en témoigner], on passe des mois à se préparer, à réfléchir, à rêver, à s’inquiéter, à planifier – et puis : quelque chose de nouveau, de surprenant et d’inattendu arrive malgré toute la préparation. Et l’étape suivante est aussi nouvelle, et la suivante et la suivante, en une chaîne infinie de découvertes.

Voilà ce qu’a été la sortie de l’esclavage. Comment sera la liberté ? Nous ne le savons pas. Moïse le dit déjà à Pharaon, lorsque celui-ci lui dit que seuls les hommes et certains animaux peuvent aller célébrer cette fête dans le désert. Moïse répond : mais nous ne savons pas ce que notre Dieu veut de nous, nous devons tout prendre, notre engagement doit être total et non planifié. Certains d’entre vous sont peut-être optimistes, ou connaissent quelqu’un qui l’est. Je pense que je le suis, en général. Demandez à un optimiste ce qu’il pense de notre situation, avec les guerres, la haine et la destruction, et il vous répondra quelque chose comme : ça va aller. Mais demandez-lui à quoi ressemblera le monde une fois que tout ira bien, et il sera incapable de le décrire. C’est la nature de l’espoir et de la rédemption : tout ce qui est essentiel est inconnu. On découvre la matsa !

Dans la Torah, les cycles de création durent sept jours. Le monde, y compris la capacité de se reposer, a été créé en sept jours. Le michkan a été préparé pendant sept jours, puis consacré le huitième – c’est notre prochaine paracha. Lorsqu’un garçon naît, la mère se trouve impure pendant sept jours, puis elle et son fils peuvent réintégrer la communauté le huitième jour, lors de la brit mila.

Les sept jours de Pessah complètent la longue naissance du peuple d’Israël en tant que peuple libre, afin qu’il puisse découvrir les nouveaux défis qui l’attendent. La traversée de la mer est un symbole de cette naissance. Et que se passe-t-il après cette naissance ? Ce n’est pas simple : un verset après le chant de la mer, le peuple pleure déjà, se plaint, a soif, a faim. Nous ressentons la nostalgie des jours utérins, lorsque nous étions tenus serrés et que tout nous était donné. 

Comme pour chaque naissance, les conditions doivent être stériles. Aucun hamets n’est autorisé à nous approcher, cela pourrait être mortel. Mais au fur et à mesure que nous grandissons et devenons plus forts, nous avons besoin d’entrer en contact avec la saleté du monde pour grandir.

À la fin de Pessah, la coutume veut que l’on fasse la havdala avec de la bière, pour refaire immédiatement l’expérience du hamets – puis nous avons les hallot à Chabbat, etc. jusqu’à ce que, à la fin de la période de l’Omer, dans le Temple, il y ait une offrande de matsa et de hamets ensemble.

Le hamets n’est pas mauvais en soi. De même, l’orgueil, l’ego et toutes les choses que le hamets est sensé représenter sont également des éléments nécessaires de notre existence. Nous avons simplement besoin d’être secoués une fois par an, au moins, pour faire l’expérience d’une renaissance, afin de redécouvrir le monde comme quelque chose de nouveau et nos vies comme quelque chose qui vaut la peine d’être vécu. Pessah est aussi joyeuse et difficile que chaque naissance, mais les vrais défis passionnants viennent juste après. 

Hag Sameah !

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