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Berechit 5784: Les deux lumières

Dracha prononcée par Eric, à l'occasion de sa Bar Mitsva le 12 octobre 2023

Drasha de Bar Mitsva de Eric Bendetowicz

Chère famille, chers amis,

J’ai lu aujourd’hui devant vous un passage de la paracha de Bereshit qui commence par aborder le sujet de la création du monde. Parmi les sujets dont parle cette paracha, j’ai souhaité m’intéresser plus particulièrement à la création des astres, les méorot, que Dieu fixa dans le ciel au 4e jour de la création.

Les astres sont fascinants. Qui n’a jamais jeté son regard, une nuit, vers la voûte céleste et son cortège d’étoiles ? Qui n’est pas, au moins une fois, resté bouche bée devant l’immensité céleste et les luminaires qui l’essaiment ? Indéniablement, cette expérience est partagée par tous les hommes depuis la nuit des temps. 

Les sentiments qui apparaissent en nous lorsque nous admirons les astres sont contradictoires. D’un côté, l’homme se sent petit, minuscule devant ce qu’il devine être tellement loin, tellement grand, tellement inatteignable. La beauté, la pureté qui semblent s’en dégager peut s’avérer écrasante. Pendant plusieurs milliers d’années, les hommes ont d’ailleurs pensé que le monde, à partir de la lune et au-delà, était constitué d’une matière plus pure, plus éthérée que les quatre éléments (l’eau, la terre, l’air et le feu) dont était constitué ce qui existait sur terre. Les astres quant à eux, selon les mots de Maïmonide au début de son Mishné Torah (Yessodei Hatorah, chapitre 3, loi 9) étaient considérés comme « tous dotés d’une âme, de raison et d’intelligence… ».

Plus encore, Maïmonide les dira « vivants » et connaissant « Celui qui a dit que le monde fut ». Louant leur créateur, « comme les anges », quoi que d’une intelligence inférieure à ces derniers mais qui, néanmoins, « dépasse celle des hommes » : les astres sont un objet de fascination qui rappelle à l’homme sa petitesse.

D’un autre côté, ce sentiment de petitesse et de fascination dépassé, l’homme qui jette son regard sur le cortège céleste peut aussi, comme y invitait le prophète Isaïe (chapitre 40 verset 26) se poser la question de celui qui les a créés. « Levez les yeux vers les cieux et voyez celui qui les a créés ! » dira-t-il au peuple d’Israël qui, pris de désespoir à certains moments de son histoire, a besoin de se souvenir que celui qui le guide est au-delà des limites du monde. Il lui faut alors imaginer quelque chose d’encore plus grand que ces astres qui fascinent, d’encore plus pur que ces étoiles qui subjuguent. 

Maïmonide, lorsqu’il fait la généalogie de l’idolâtrie, au 1er chapitre de ses Hilkhot Avodat Kokhavim (lois relatives à l’idolâtrie) usait des mots suivants : 

Au temps d’Hénoch, les hommes commirent une immense erreur. 

Etant donné, dirent-ils, que Dieu à créé ces étoiles pour conduire le monde et qu’il les a placées dans les hauteurs en leur faisant honneur, en tant que Ministres qui serviraient devant lui, il convient de les louer, de les glorifier et de leur faire honneur.

Maïmonide continue : 

Quand cette idée s’installa dans leur cœur, ils commencèrent à ériger des temples en l’honneur des étoiles et à leur offrir des sacrifices.

En d’autres termes, les premiers idolâtres se trompèrent justement en levant leurs yeux vers le ciel. Subjugués par ce qui les dépassait, ils se mirent à adorer les astres, jusqu’à oublier celui qui les avait créés. Dépassés par le premier sentiment que nous décrivions, celui de la petitesse devant l’immensité, ils se mirent à adorer l’objet de cette fascination.

Moïse, quand il s’adressait au peuple d’Israël en leur rappelant le don de la Torah au mont Sinaï, employait ces termes (Deutéronome chapitre 4, versets 19 et 20) : 

“Tu pourrais aussi porter tes regards vers le ciel et, en voyant le soleil, la lune, les étoiles, toute la milice céleste, tu pourrais te laisser induire à te prosterner devant eux et à les adorer : or, c’est l’Éternel, ton Dieu, qui les a donnés en partage à tous les peuples sous le ciel. 

Mais vous, l’Éternel vous a adoptés, il vous a arrachés de ce creuset de fer, l’Egypte, pour que vous fussiez un peuple lui appartenant, comme vous l’êtes aujourd’hui.

L’homme et la femme du peuple d’Israël qui jettent un regard vers les cieux doivent donc ne pas se laisser induire en erreur : les astres, certes, peuvent être admirés. Mais ils ne constituent pas un but ou une finalité. Ils doivent être des rappels, ou des ouvertures, vers quelque chose qui les dépasse. Ils sont des jalons – certes sublimes – qui nous permettent d’ouvrir notre questionnement à propos de celui qui, au-delà de la voûte céleste et selon les mots de Job (chapitre 26 verset 7) : « suspend le monde au-dessus du néant.”

Un astre, en hébreu biblique, se dit maor (מאור), que l’on peut traduire littéralement par « luminaire ». Mais l’on pourrait aussi, en jouant de la richesse de la langue hébraïque, faire remarquer que le mot maor peut également se lire mé-or, c’est-à-dire « qui provient de la lumière ». La lumière des astres n’est pas la seule à exister. Il en existe une autre, primordiale, plus haute, créée par Dieu dès le 1er jour et dont Rashi, amenant un midrash dans son commentaire du 4e verset du chapitre 1, dira que c’est celle qui est réservée aux hommes et femmes vertueux dans le monde à venir. Les étoiles, pour celui ou celle qui savent les admirer, peuvent être une invitation à percevoir l’immensité divine et, à partir de cette prise de conscience, améliorer nos actions pour les inscrire dans la continuité de la volonté de Dieu. 

Je souhaite, en ce jour de ma bar-mitsva, m’inspirer des enseignements de la Torah et des mots des prophètes qui, génération après génération, ont appelé le peuple juif à se souvenir qu’il était guidé par celui qui est au-dessus des étoiles.

Je souhaite également, en ce jour où je deviens un homme, m’inspirer de mes parents, grands-parents et aïeux qui, pour maintenir la flamme du judaïsme à travers les millénaires, ont réussi à faire parvenir jusqu’à moi la conscience de porter une destinée qui, dans les moments sombres comme les moments heureux de l’histoire, se doit d’être un luminaire pour l’humanité. 

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