Par Esther
Introduction
Bonjour à tous,
Je m’appelle Esther et comme vous l’avez remarqué, aujourd’hui nous avons lu la paracha ‘Houkat. Aujourd’hui, je fête ma Bat Mitsva, je deviens une fille des Mitsvot et me voici confrontée à la plus difficile des 613 mitsvot : (‘Houkat) le décret, de la vache rousse.
Cette paracha n’est pas facile ni à lire et ni à comprendre.
‘Houkat gravé
Sur le plan légal, dans cette paracha, une loi très particulière fut enseignée aux enfants d’Israël: le décret, en hébreu ‘Houkat, de la vache rousse. En effet, parmi les 613 mitsvot, on distingue les mitsvot que l’on peut comprendre rationnellement appelées Michpatim, et celles qui relèvent du décret divin les ‘Houkat que l’on doit accepter humblement car elle dépasse la raison humaine.
Seulement, laissez-moi vous poser une question …
Cette Mitsva qui fait partie des rares décrets de la Torah, celui de la vache rousse, a un énoncé tout à fait singulier: Zot ‘Houkat ha Torah et non Zot ‘Houkat ha Phara, je traduis: Voici le décret de la Torah et non Voici le décret de la vache ??? il semblerait que le cas exceptionnel devienne une règle pour l’ensemble de la Torah !
En effet, il y a un principe herméneutique qui dit que lorsque l’on a une généralité suivie d’une singularité, la singularité a pour but de nous enseigner sur la généralité. En suivant cette méthode d’interprétation, on peut dire que ce décret est un exemple symbolique de toute les lois de la Torah: en effet ‘Houkat dont l’étymologie est ‘Hakouq, qui se traduit par graver. Ce qui signifie que la loi juive ainsi gravé fait corps avec son support et donc les mitsvot que nous suivons doivent faire corps et âme avec nous. Ceux sont des lois que l’on doit intérioriser pour nous élever spirituellement.
Et pour que ces lois, même celles qui sont rationnelles et intelligibles, fassent corps et âme avec nous, il est nécessaire d’entendre que ce sont quelque part des décrets divin. En effet, même un commandement rationnel comme celui du respect des parents, prend une dimension supplémentaire lorsque j’entends que c’est un décret divin. Lorsque je dis un décret divin, j’entends par-là que c’est une vérité qui est essentielle et existentielle. En effet, ça voudrait dire que je dois intérioriser cette idée au point de la vivre dans mon corps et dans mon âme de cette façon, cette idée devient gravée en moi.
Allons un peu plus en profondeur…
Vache rousse : expiation pour le veau d’or
La Mitsva de la vache rousse : de quoi s’agit-il ? Il s’agit de confectionner un remède, un médicament, un vaccin contre l’impureté, contre la mort.
Quand j’ai lu cette paracha, j’ai tout de suite été intriguée par cette impureté Toumah (טומאה) et par cette eau Méi Niddah (מי נידה), littéralement « eau d’éloignement de l’impureté » qui était en quelque sorte un contrepoison, un médicament contre l’impureté !
J’y suis très sensible car ma grand-mère était pharmacienne et elle travaillait dans l’industrie pharmaceutique. Elle confectionnait justement des médicaments pour soulager les malades.
Maintenant, je vais vous poser une seconde question: Pourquoi une vache pour se purifier, et pourquoi rousse ? Vous vous rappeler de l’histoire du veau d’or ? Le veau est l’enfant de la vache. Et quand un enfant fait une bêtise, les parents sont responsables et ils doivent réparer cette faute.
Le commentateur médiéval français, Rachi explique que le choix de la vache rousse, vache comme mère du veau, rouge comme le péché, est en fait une victime expiatoire de la faute ultime des enfants d’Israël, à savoir le veau d’or. En effet, le veau d’or, nous dit le Talmud est une faute que l’on retrouve également dans l’ensemble des fautes que le peuple d’Israël fera à l’avenir.
Plus précisément, toutes les punitions que l’on recevra viendront également expier une partie de la faute du veau d’or. Souvenons-nous, la fabrication de ce veau d’or, et consécutive au retard de Moïse à revenir avec les tables de la loi. Cette impatience du peuple l’a conduit à se fabriquer un autre Dieu, un autre guide, d’autres repères. Quelque part, lorsque je transgresse une quelconque Mitsva de la Torah, c’est que je suis en manque de repères, et que je n’ai pas suffisamment gravé dans mon corps, et dans mon âme, la nécessité de réaliser cette Mitsva.
Revenons à notre vache…
Elle sera intégralement brûlée pour que ne reste d’elle que ses cendres, absolument impures. A ces cendres, on rajoutera de l’eau pure symbole de la vie et c’est seulement ce mélange lui aussi impur qui permettra de purifier l’impureté suprêmement primaire, comme l’expliquait Rachi, qui est le contact avec un mort. Bref un médicament contre la mort !
Quelque part, ce décret divin est un moyen de me faire vivre dans mon corps et dans mon âme la volonté de Dieu et le fait qu’elle soit inscrite en moi de cette façon, me rend plus libre.
Conclusion : Le secret de la vie
Voilà grâce aux explications de Rachi et des grands commentateurs, j’ai trouvé beaucoup de réponses à mes questions et je comprends bien mieux cette paracha si compliquée au premier abord. Tout cela semble maintenant bien clair et pourtant … pourquoi … Pourquoi même le sage et grand roi Salomon s’exclama dans Qohelet qu’il s’agissait de la seule mitstva qu’il n’avait pas comprise et que seul Moshé Rabénou fut à même de la comprendre ?
Car la grande interrogation concernant le passage de la vie à la mort et, de la mort à la vie reste sans réponse, inaccessible à notre rationalité humaine: toute la sagesse du roi Salomon échoua à y répondre. Seul le très haut degré de sainteté de Moïse lui permit de comprendre le secret de la paracha ‘Houkat, mais nous, nous acceptons cette part d’inconnu qui nous permet justement de vivre et de chercher sans arrêt …
Je dédie cette Dracha à ma grand-mère emportée par le covid et qui aurait été si fière de moi aujourd’hui.
Retrouvez ici le commentaire de la paracha Houkat 5785 par le rabbin Josh Weiner